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Danmarks Kunstbibliotek The Danish National Art Library

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Academic year: 2022

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(3) KUNSTMUSEETS ÅRSSKRIFT XXXVII.

(4) KUNSTMUSEETS ÅRSSKRIFT 1950. KØBE N H AV N gyld e nd a l sk p : b o g h a n d e l. - n o r d i s k f or la g. LANGKJÆRS BOGTRYKKERI. 1951.

(5) INDHOLD G uy d e T e h v a r e n t : E nquête sur le sujet des m a jo liq u e s .......................................... 1. V agn P o u l s e n : E t græsk k o n g e p o rtræ t............................................................................ 49. H a r a l d O l s e n : Rubens og Cigoli ...................................................................................... 58. E r ik F is c h e r : Eine Zeichnung d er Krone Rudolfs 11 ........................................................ 74. H er man F i l l i t z : Studien zu r K rone Kaiser Rudolfs I I ................................................ 79 94 106 115 138 153 156. H. G. S k o v g a a r d : O m P. C. Skovgaards la n d sk a b e r....................................................... E r ik F is c h e r : Casolanis Lisabetta, eller betragtning af d ø d e n ................................ L eo S w a n e : De senere års nye erh vervelser af m a le rk u n s t...................................... J ø r g e n S t h y r : K obberstiksam lingens n y erh v erv elser.................................................. Fortegnelse over illu s tra tio n e r............................................................................................ R egister over k u n stn ern av n e.................................................................................................

(6) ■/ ',: A-x/.. ;'V'y*’V'. /. . l : -. :• ys^ %. ' X ‘ X ‘- ,. ■‘" r ; v ' - ' - . y.

(7) ENQUÊTE SUR LE SUJET DES MAJOLIQUES PAH. GUY DE TERVARENT. our recréer l’antiquité, la peinture se trouvait, au moment de la Renaissance, dans une situation moins favorable que la sculpture et l’architecture. En effet l’on possédait et l’on découvrait des statues antiques; les monuments anciens avaient laissé par toute l’Italie des ruines qu’on pouvait étudier à loisir. Mais à l’excep­ tion de quelques portraits funéraires, l’art pictural gréco-romain avait complètement disparu. Il n’est pas invraisemblable que ce soit pour cette raison même que la peinture a joué dans la Renais­ sance le premier rôle : aucune imitation n’était possible, aucune ob­ session du modèle. Les peintres n’avaient pour se guider que des textes. Les premiers qui entreprirent de les faire revivre dans leur art, les traitèrent comme on avait traité jusqu’alors les légendes des saints: répartissant les épisodes dans une série de compositions. Cela nous a valu, notamment dans la peinture des « cassoni », des œuvres d’une fraîcheur et d'une naïveté exquises. Ce procédé nar­ ratif convenait mal à la peinture des fa'ïences, où l’histoire ne peut se poursuivre de pièce en pièce. Un effort de synthèse s’imposait, soit qu’on groupât en une seule composition divers évènements, soit qu’on se bornât à n’en figurer que le plus marquant. Le pro­ cédé ne fut souvent appliqué qu’aux dépens de la clarté du sujet lui-même et l’on ne saurait se fier sans réserve aux inscriptions destinées à le faire connaître.. P. I. LES INSCRIPTIONS Le sujet d’un grand nombre de majoliques serait inintelligible sans l’explication que le peintre a pris soin d’inscrire au revers. Est-ce à dire que ces inscriptions sont toujours exactes ? Les quelques exemples suivants prouveront le contraire..

(8) Le Victoria and Albert Museum à Londres possède une assiette peinte par le maître qui signe « F. R. ». Hercule s’y voit à droite, un fuseau à la main ; Omphale assise à gauche ; entre eux Cupidon et un cartouche portant cette inscription; « Omnia vincit amor 1522 »'). Six ans plus tard, le même maître reprend le même sujet: Hercule, à droite de la composition, lient toujours un fuseau à la main ; Omphale debout, l’index pointé, lui donne un ordre ; Cupidon. Fig. 1. Revers d ’une assiette représentant Hercule et Omphale. Musée civique d ’Arezzo.. n’est pas oublié. Cependant le revers de l’assiette porte : « De Her­ cule e Deianira »^). On pourrait penser qu’il s’agit bien d’Hercule et de Déjanire et que l’erreur a été de laisser aux mains d’Hercule le fuseau que lui imposa Omphale. Cette hypothèse est admise par Alessandro Del Vita^). Mais une autre assiette du Victoria and Al­ bert Museum la rend insoutenable. On y voit d’une part Hercule, le fuseau à la main, d’autre part un personnage féminin, sous un dais (Omphale était reine de Lydie), un enfant à sa poitrine (Om­ phale eut d’Hercule un fils, nommé Agésilas, d’où l’on fait descen­ dre Crésus). La pose de mol abandon et de provoquant triomphe qu’affecte le personnage féminin s’explique mieux chez Omphale que chez Déjanire. On n’en lit pas moins au dos «Ercole et dionirra »^). Comment expliquer qu’un peintre, qui rend un sujet avec fidélité, puisse, quand il l’indique au dos de son œuvre,commettre des erreurs?.

(9) L’hypothèse la plus plausible consiste à penser qu’on se trouve en présence de deux mains différentes. Il y a des cas où cette dualité est patente. Avant d’être livrées au public ou aux commanditaires, certaines majoliques subissaient un traitement spécial, destiné a leur donner du lustre. La ville de Gubbio s’était spécialisée dans l’application de ce procédé difficile et des poteries y étaient envoyées,. Fig. 2. H istoire de Calisto. Ane. collection B asilew ski.. déjà peintes, pour être lustrées'’). Le plus connu des artisans qui donnaient cette touche finale, Giorgio Andreoli, dit Mastro Giorgio®), n’hésitait pas à signer au dos les faïences qu’on lui confiait et par­ fois à en déterminer le sujet. C’est de sa main qu’on lit « De Her­ cule e Deianira » (fig. 1) au revers de l’assiette peinte par le maître « F. R. » et représentant, à vrai dire. Hercule et Omphale. Mais il est des cas où l’erreur ne saurait être imputée qu’au peintre lui-même, ainsi qu’il ressort de l’exemple suivant. Emil Hannover, de son vivant conservateur du Musée des Arts Industriels à Copenhague, a laissé un manuel, dont la valeur est suffisamment attestée par la peine qu’a prise Bernard Rackham de le traduire du danois original en anglais’). Une coupe à piédouche, issue de la fabrique de Pesaro en 1544, s’y trouve reproduite avec.

(10) la mention suivante ; « Diane et ses nymphes surprises par Actéon »*). Dès le premier regard un doute s’élève quart à l’identité du sujet (fig. 2). Le soi-disant Actéon a toutes les apparences d’une femme. Au lieu d’être déchiré par ses chiens, qu’on ne voit nulle part, il git à la merci d’un autre personnage féminin. Sa tête ne se mue pas en celle d’un cerf mais d’un animal féroce, et rien dans la légende d’Actéon n’explique la présence à l’arrière-plan de deux femmes nues qui s’embrassent. Le manuel renvoie au recueil de Delange, où la coupe figure en effet®). Delange nous apprend qu’elle faisait à l’époque (1867—69) partie de la collection Basilewski. Si l’on se réfère au catalogue que Darcel et Basilewski ont fait para­ ître en 1874 de cette collection célèbre, vendue en 1885 à l’empereur de Bussie, on y apprend que la coupe porte au revers, tracée en bleu sous le pied, l’inscription suivante : « Calistone mutata in lupo ». Et dès lors toute la scène s’éclaire. Calisto, nymphe de Diane, a été séduite par Jupiter, qui pour ne point l’effaroucher avait pris l’ap­ parence de la chasseresse elle-même. Ainsi s’explique le couple des deux femmes. Les quatre baigneuses au premier plan figurent les autres nymphes de Diane’“). La grossesse de Calisto dévoilée, Junon en prend ombrage et, quand la nymphe a mis au monde Areas, son courroux ne connaît plus de bornes. « Se plaçant devant elle, Junon la saisit par les cheveux et la terrasse. Calisto lui tend des bras suppliants. Mais, au même instant, ses bras se hérissent de poils noirs; ses mains, armées d’ongles aigus, se recourbent, et lui servent de pieds; sa bouche, qu’admira Jupiter, devient large et hideuse ; et, afin que ses prières touchantes ne fléchissent pas son cœur, Junon lui ravit la parole. De son gosier sort une voix rauque, furieuse, menaçante et terrible. Elle est changée en ourse, et garde ses premiers instincts. De continuels gémissements attestent sa douleur. Ses mains sous leur nouvelle forme s’élèvent vers le ciel. Sa voix ne peut plus sans doute reprocher à Jupiter son ingratitude ; mais elle ne la sent pas moins dans son cœur. » Ainsi s’exprime Ovide” ). Jupiter intervient pourtant le jour où le fils, en chassant, faillit tuer sa mère. Il les plaça tous deux au firmament, où Calisto, sous forme de la Grande Ourse, pare de ses feux nos nuits d’été. On remarquera, et c’est le point où nous voulions en venir, que l’inscription, destinée à faire connaître le sujet, s’avère, comme d’autres, partiellement inexacte. Ce n’est pas en louve mais en.

(11) ourse que d’un accord unanime Calisto fut métamorphosée. Il faut sans doute chercher la raison de cette erreur dans une confusion entre Calisto et son père, Lycaon, qui, lui, fut changé en loup’^). Dans les détours de la mythologie, moins connue que la tradition religi­ euse, il est arrivé au peintre aussi bien qu’au lustreur de s’égarer. Il s’y égarait d’autant plus facilement qu’à de rares exceptions près, il ne faisait pas œuvre originale, mais copiait un modèle, le. Fig, 3. Le centaure E urytus tente d ’enlever Hippodam ic. G ravure d ’Enea Vico.. plus souvent une gravure. Or il arrivait que le véritable sujet du modèle lui échappât, surtout s’il s’agissait d’une gravure avant la lettre, c’est à dire dépourvue de titre. L’exemple suivant permet de saisir sur le vif le processus. En 1542, Enea Vico exécute (d’après le dessin d’un maître sur lequel on ne s’accorde pas, mais là n’est pas la question) une gra­ vure figurant un enlèvement. Il est certain, comme l’ont d’ailleurs reconnu Bartsch’^), et Robert DumesniD^), que l’artiste a voulu représenter le centaure Eurytus essayant d’enlever Hippodamie, le jour de ses noces avec Piritoüs. Suivons le récit d’Ovide^"). « Les fables avaient été dressées sous des ombrages . . . On chantait l’hyménée et les feux sacrés brûlaient dans le parvis ... Ton cœur, Eurytus, le plus sauvage des sauvages centaures, échautfé par le vin, s’embrase à la vue d’Hippodamie et l’ivresse redouble tes ardeurs. Tout à coup les tables sont renversées ; le désordre est.

(12) extrême. La nouvelle épouse, saisie par sa chevelure, est enlevée par Eurytus ». Eurytus dans la gravure s’approche d’Hippodamie par derrière. Il a la tête couronnée de pampres, signe de son ivresse. Ses oreilles sont celles d’un animal. Il jette sur la femme un re­ gard où se lit toute l’ardeur de son désir. L’artiste, qui a nettement dessiné sa croupe, ses jambes et ses sabots arrière, plus petits que. Fig. 4. La centaure E u rj'tu s tente d ’enlever H ippodam ie. V ictoria and A lbert Museum.. les jambes et les sabots du cheval qui se cabre, a par contre omis de lui donner des pattes avant (fig. 3). La gravure parut en 1542. Nicola Pellipario la reproduisit fidèle­ ment sur un plat (fig. 4) que conserve aujourd’hui le Victoria and Albert Museum-. Dans l’excellent catalogue qu’il a donné de cette collection Bernard Rackham date des environs de 1542 cette oeuvre de Nicola Pellipario’'*). C’est à dire que le plat vit le jour peu de temps après la gravure et à un moment où celle-ci n’existait qu’en tirage avant la lettre. Privé d’indication écrite, Nicola Pellipario se méprit sur le sujet et inscrivit au revers de la majolique; « Cbome paris Rapi Elena al Iltenpio », comment Pâris enleve Hélène au temple On voit que la cause des erreurs qu’on rencontre dans les in­ scriptions se laisse parfois deviner. Voici un autre cas. Le Musée.

(13) des Antiquités de Rouen possède une coupe faite à Urbin en 1535 pour Anne de Montmorency, dont elle porte les armes'’). Elle re­ présente sans doute possible’^) les filles de Pélias saignant leur père à grands coups de couteaux et le plongeant dans une chaudière bouillante (tig. 5). Elles avaient de Médée l’assurance qu’en agissant de la sorte elles allaient rendre la jeunesse au vieillard. Cependant on lit au revers de la coupe: « fabula di Bacco E sue Notrice », histoire de Bacchus et de ses nourrices. Pourquoi? Sans doute. Fig. 5. Pélias et ses filles. Musée des an tiquités à Rouen.. Fig. 6. Diane, Apollon et Daphné. Ane. collection Lanna.. parce que dans les Métamorphoses d’Ovide, livre cher aux céra­ mistes, le meurtre de Pélias par ses filles’®) est immédiatement précédé par un court chapitre de trois vers^“) ou Bacchus demande à Médée d’user de son pouvoir magique, pour rajeunir ses nour­ rices. Le peintre distrait aura copié un titre pour l’autre. Retenons-en que les inscriptions des majoliques ne font foi que jusqu’à preuve du contraire. II. SUJETS TIRÉS D’OVIDE Ovide doit à la simplicité de son style, à son habileté de conteur, au soin qu’il a pris dans ses Métamorphoses de mettre la mytho­ logie en courts récits, indépendants les uns des autres et formant déjà comme autant de tableaux, d’avoir été la source où puisèrent de préférence à toute autre les premiers artistes de la Renaissance. Nous allons donc parcourir les Métamorphoses, en y cherchant.

(14) l’identification des sujets qui dans les majoliques sont demeurés jusqu’ici mystérieux ou n’ont fait l’objet que d’une explication in­ acceptable. LIVRE I Le Corpus della maioUca italiana, en son premier volume (No 246, fig. 224), reproduit une assiette datée d’Urbin, 1530, et qui fait partie d’un service célèbre aux armes des Slrozzi (fig. 6). En ce qui concerne le sujet, Ballardini se contente d’ajouter: «Artemide ». Et en effet une femme qui porte l’arc et les chaussures de Diane apparaît sur la gauche. Mais la droite de la composition ofïre la métamorphose d’un personnage en arbre, tandis qu’un second per­ sonnage s’en émerveille. De ces métamorphoses celle de Daphné, convertie en laurier sous le regard d’Apollon, est devenue, grâce à Ovide, la plus célèbre. Si l’auteur du Corpus ne l’a pas reconnue dans l’assiette du service Slrozzi, c’est sans doute à cause de la précence de Diane. Cette déesse n’intervient dans la métamorphose de Daphné chez aucun auteur classique. Cependant l’interprétation religieuse que le moyen âge s’est efforcé de donner aux œuvres d’Ovide n’a pas laissé d’établir un rapport entre la chaste Diane et Daphné se dérobant aux désirs d’Apollon. Christine de Pisan dans son Epîlre de d’Olhéa (1405 —1410) suppose que Daphné, poursuivie par Apollon, prie Diane de sauver sa virginité et dans un manuscrit de cet ouvrage, que conserve la Bibliothèque Royale de Bruxelles'-'), une miniature montre la déesse apparaissant sous forme d’ange de l’annonciation à celle qui l’implore dans cette extrémité (fig. 7). Sur l’assiette qui nous occupe on découvre une association d’idées semblable. Diane, la main levée, salue avec joie la métamorphose par laquelle son frère voit tout à coup Daphné lui échapper. On ne s’attendait pas à cette réminiscence de la pensée médiévale dans un domaine où règne l’humanisme. Nous en rencontrerons d’autres^). LIVRE II L’ancienne collection Pringsheim, dont un somptueux catalogue, dû à la plume autorisée d’Otto von Falke, nous a conservé le sou­ venir“ ), contenait une assiette (fig. 8) sortie de l’atelier de Guido Durantino à Urbin et datant donc des années 1525—1535“ ). On y voit à l’arrière-plan deux oiseaux noirs se faisant face et à l’avant plan une femme plongée dans le sommeil, tandis que de l’autre côté.

(15) du lit où elle repose, se tiennent debout un homme à la barbe blanche et une jeune fille nue. Au dos de l’assiette on lit: «La fabula del coruo e comice ». Le catalogue ne donne aucune explication du sujet. Au livre II des Métamorphoses, vers 542 et suivants, le corbeau rencontre la corneille, au moment où il s’apprêtait à rapporter à Apollon l’infidélité de Coronis, aimée de ce dieu. La corneille s’efforce de l’en dissuader et à cette fin lui fait part de sa propre expérience. Elle était devenue l’oiseau préféré de Minerve et le demeura jusqu’au jour où elle révéla à la déesse qu'une des filles de Cécrops lui avaitdésobéi. Loin d’être récompensé de son zèle elle dû céder sa place à la chouette, Nyctimène. Aussi bien ne manque-t-elle pas cette occa­ sion d’informer son interlocu­ teur des fâcheux antécédents de sa rivale : « Eh quoi ! l’attentat auotr nul amtf dont Lesbos retentit n’est point Fig. 7. Apollon, D aphne et Diane. MS. 9392 parvenu jusqu’à vous? Vous de la B ibliothèque Royale à Bruxelles. ignorez qu’elle a souillé la cou­ che paternelle? »(vers 591 —593). Tout cela peut paraître assez mystérieux au corbeau, mais pour les mythographes de l’époque classique et post-classique l’affaire était bien cfaire. Lactance Placide dans son commentaire des Métamorphoses écrit à ce sujet^^): «Nyctimène, fille de Nycteus, vierge de Lesbos, d’une licence effrénée, se glissa dans le lit de son père. Quand ce forfait fut reconnu, les dieux dans leur colère la convertirent en chouette. Ainsi la nuit cache son crime, mais, le jour venu, elle est en butte aux injures de tous les oiseaux. » Le Mythographus Vaticanus Secundus raconte la fable de cette manière^“): « Nycteus, roi très heureux des Ethiopiens, avait une fille du nom de Nyctimène. Comme elle aimait son père d’un amour sélérat, elle avoua sa pas­ sion à sa nourrice et réclama d’elle un service indicible. Celle-ci, usant de mensonge, conta à Nycteus qu’il était aimé d’un vierge étrangère et obtint de son imprudence qu’il s’unît à sa fille. Le roi, s’étant rendu compte du forfait trop tard pour l’éviter, résolut de le venger. Dès qu’il eut reconnu sa fille, il voulut la tuer. Mais.

(16) 10. Nyctimène implora l’aide de Minerve, qui l’arracha au péril, la changea en un oiseau que la honte de son crime fait fuir la lumière du jour et qui est consacré à la déesse. » Telle est l’histoire évoquée par la corneille d’Ovide et que le céramiste a représentée. Au premier plan dort paisiblement dans la couche conjugale la femme de Nycteus. De l’autre côté du lit se tiennent les deux coupables, que le peintre a représentés saisis d’horreur et d’effroi^^). LIVRE IV La collection Wallace à Londres possède une assiette de majolique (fig. 9 et 10) au-dessous de laquelle on lit: « 41. Plate of Urbino majolica lustred at Gubbio. Curious Mythological Subject with Nymphs holding spindles (?) — like those of the Fates. In­ scription on the back: 1543 Fabulatrice di Baccho. » « Fabulatrice > ne donne aucun sens. Heureusement le sujet à été représenté ailleurs. On le retrouve sur une assiette d’Urbin, datant également du milieu du XVL’ siècle et qui a fait partie de l’ancienne collection Ole Olsen à Copenhague (fig. 11). Elle porte au revers l’inscription: « La fila trice t Bacco »^*), la fileuse et Bacchus, apparemment pour: les fileuses et Bacchus, l’assiette montrant qu’elles sont trois à filer. A la lumière de cette inscription il est possible de comprendre celle qu’on lit sur l’assiette de la Col­ lection Wallace. Divisons le premier mot: « Fabula » ou «Favola ». D’innombrables majoliques portent ce mot comme titre ou comme sous-titre,indiquant que le sujet, légendaire,doit être cherché dans la mythologie, « la fable » comme on disait au XVIF et au XVIIF siècle en PTance. On remarquera d’ailleurs (fig. 10) que ce mot est séparé de la finale « trice ». Cette finale grâce à l’autre in­ scription, peut être complétée ainsi : « Le filatrice ». Le signe suivant (fig. 10) n’est pas la préposition « di », mais la conjonction « et ». Il faut donc lire: « Favola. Le filatrice et Bacco ». Il est vrai­ semblable que la présence des deux « la » a amené sous un pinceau distrait la liaison qui corrompt le sens. Quelles sont maintenant les fileuses auxquelles le peintre fait allusion? Le catalogue de l’ancienne collection Olsen n’hésite pas à y reconnaître les Parques^®). La direction de la Collection Wal­ lace, plus prudente, se contente de comparer les fuseaux des fileuses.

(17) 11. à ceux des Parques. On sait cependant qu’une seule des trois sœurs tenait un fuseau. D’ailleurs il n’existe aucun mythe associant Bacchus aux Parques. Si l’on se reporte au IV*’ livre des Métamorphoses d’Ovide’ on y trouve le récit suivant. Les fdles de Minyas refusent de s’associer au culte de Bacchus, qu’on célébrait avec éclat dans la ville. Re­ tirées chez elles, elles fdent la laine et tout en filant, content des histoires. Ovide tresse de la sorte une guirlande de récits.où se nouent les aventures de Pyrame etThisbé, de Mars et Vénus, les amours du Soleil, celles de Salamis et d’Hermaphrodite. Le poète fait parler trois des filles de Minyas et donne le nom de deux d’entre elles : Alcithoé et Leuconoé^**). En aucun endroit il n’indique leur nombre. La vengeance de Bacchus, outragé, ne se fait pas attendre. Le palais de Minyas s’emplit de prodiges. Les travaux de ses filles se chan­ gent en lierre et en vignes, leurs Fig. 8. La fable du corbeau et de la corneille Ane. collection P ringsbeim . fuseaux en pampres: des hurle­ ments de bêtes fauves retentissent, tandis que la demeure s’embrase. En vain les Minéides tachent-elles de fuir: le dieu les métamorphose en chauves-souris. Ce texte d’Ovide suffit à faire connaître le sujet des deux assiettes qui nous occupent. Celle de la Collection Wallace montre trois filles de Minyas écoutant avec un intérêt que trahit leur regard et leur attitude le récit que fait une quatrième Minéide, l’accompagnant d’un geste du bras, les yeux clos par l’émotion (fig. 9). Toutes quatre tiennent un fuseau. Un personnage féminin assiste à la scène, une cinquième sœur peut-être, sinon Bacchus lui-même dé­ guisé en femme'**). Moins expressive est la scène que nous propose l’assiette de l’ancienne collection Olsen. Les Minéides, reconnais­ sables à leur fuseau, s’y trouvent groupées à l’avant plan, au nom­ bre, communément admis, de trois (fig. 11). Quant à la scène qui se passe à l’arrière-plan de la même majolique, où l’on distingue assez malaisément un groupe de trois personnages nus, on peut.

(18) 12. penser qu"il s^agissait dans l'esprit du peintre de représenter la bacchanale à laquelle les filles de Minyas refusent obstinément de se rendre. LIVRE VIII Dans son étude du service Correr, Henri Wallis remarque qu'Ovide ne suffit pas à expliquer l'assiette (fig. 12) consacrée à Méléagre, « which certainly does not correspond with the text of the Metamorphoses »^^). Cependant un examen plus attentif de ce. Fig. 9. Les Minéides. Collection W allace, Londres.. Fig. 10. Revers de la Figure 9. Collection W allace, Londres.. texte amène à penser différemment. Dans sa composition Nicola Pellipario a voulu rappeler en trois images les quelque trois cents vers que le poète consacre au héros. L'histoire est connue : Diane, offensée de n'avoir pas été honorée comme il convenait par Œnée, roi de Calydon, envoie un sanglier gigantesque ravager son royaume. Ceci explique la présence de Diane au centre de l’assiette. Méléagre, fils de Œnée, réunit une troupe de héros et ensemble ils attaquent l'animal. Après des péri­ péties, qui n'occupent pas loin de cent vers, l'animal est tué par Méléagre. C'est le thème fameux et si souvent figuré de la chasse de Calydon^-*). Le sanglier tué, Méléagre en offre les dépouilles à Atalante, dont il est amoureux, mais deux oncles du héros dénient à la vierge tout droit à ce butin et le lui enlèvent. Méléagre les tue. Althée, mère du héros, en apprenant le meurtre de ses frères, jette au feu un tison qu’elle avait jusqu'alors conservé. Les Parques en.

(19) 13 effet, au moment de la naissance de son fils, lui avaient révélé qu^il vivrait aussi longtemps que ne serait pas consumé un morceau de bois que le feu à ce moment dévorait. La mère Lavait aussitôt retiré des flammes. Dès qu^elle l’y replonge, Méléagre sent d’atroces dou­ leurs Lenvahir: il meurt. Le tison que la flamme achève de détruire et Méléagre en proie aux souffrances de la mort occupent dans Lassiette du service Correr la droite de la composition. On y lit d’ailleurs « MELEAGRO ». Il reste à identifier le personnage à. Fig. 11. Les Minéides. Ancienne collection Ole Olsen.. Fig. 12. La légende de Méléagre. Service B orrer, Venise.. tête et poitrine de femme, à queue de dragon, griffu et ailé, que Wallis n’a pas découvert dans Ovide. Au livre VIII des Métamorphoses, Althée, au moment d’accomplir son geste fatal, s’ecrie : « Déesses des supplices, triples Euménides, jetez un regard sur ce sacrifice commandé par vos fureurs » (vers 481—482). Les Euménides ou Erinnyes entourent Althée sur un bas-relief antique (fig. 13), que Nicola Pellipario aurait d’ailleurs pu connaître, car il a été relevé par Pighius au cours des voyages qu’il fit en Italie à partir de 1547^^). Ces Furies antiques occupaient donc normalement une place dans le sacrifice d’Althée^^'). Elles la devaient aux vers d’Ovide et il n’y pas lieu de s’étonner si l’assiette du service Correr, inspirée par les Métamorphoses, nous en montre une veillant sur la consommation du tison fatal. Nicola Pellipario lui donne l’apparence d’une harpie. La con­ fusion entre harpies et Furies était fréquente. Virgile appelle la.

(20) 14 harpie Celaeno « Furiarum maxima »^). Son commentateur Servius écrit, parlant des harpies, « on dit qu’elles sont les Furies mêmes. On peut voir à TAshmolean Museum à Oxford un plat rond (fig. 14) que Fortnum dans son catalogue de la collection décrit en détail ; « G 420. Circular dish, with sunk centre. Subject, a composition re­ presenting persons in a rocky foreground, with trees and distant. Fig. 13. Les E um énides en to u ran t Althée. B as-relief antique.. hills beyond ; one tree, which is being felled, has labels and wreaths hanging from his branches, and a human head issuing from their junction with the stem ; it bleeds from a wound inflicted by a man with an axe. On the right is a group of four draped men and one naked women ; the central personnage points to the corpse of a man with severed head lying at the foot of the tree. On the other side the same personnage appears to sleep supported by a yellow drapery and white pillow, while and aged nude female approches him. Beyond, a draped female is driving in a car drawn by two dragons or gryphons, and is confronted by another nude female La longueur de cette description n’éclaire que trop le fait que l’auteur du catalogue ignore le sujet figuré. Une lecture attentive d’Ovide l’eût pourtant amené au livre VIII des Métamorphoses au passage suivant: « Erisichthon méprisait les dieux et ne fit jamais fumer l’encens sur leurs autels. On dit même qu’armé de la hache il profana une forêt consacrée à Gérés et porta le fer sur des arbres.

(21) 15 que la religion avait depuis longtemps consacrés. Là s’élevait un grand chêne séculaire qui seul eût formé tout un bois. Son tronc était paré de bandelettes, de souvenirs et de guirlandes, monuments de vœux exaucés . . . Le fils de Triopas ne le respecte point. 11 ordonne à ses esclaves d’abattre ce vénérable chêne. Les voyant hésiter, il arrache à l’un d’eux sa cognée et profère ces paroles coupables: « Il a beau être cher à la déesse; fût-il habité par elle, son front couronné de feuillage va frapper la terre. » Il dit; et, tan-. Fig. 14. Sacrilège et punition d ’E risichthon. A shm olean Museum, Oxford.. Fig. 15. M étamorphose de Lotos. Musée de la Céram ique, Faenza.. dis qu’il balance obliquement le fer, l’arbre de Gérés tremble et pousse un gémissement. Ses feuilles, ses glands et ses longs rameaux pâlissent. Enfin la hache sacrilège entr’ouvre ses flancs et le sang jaillit de son écorce ... Les esclaves sont glacés d’effroi. L’un d’eux ose dissuader Erisichton et arrêter son arme cruelle. Le Thessalien lui lance un regard terrible: « Reçois, dit-il, le prix de ta peine ». En même temps il retourne le fer contre lui, abat sa tête et frappe le chêne sans relâche. L’arbre fait alors entendre ces paroles plain­ tives : « Nymphe chérie de Gérés, j ’habite cette écorce. Pour me consoler du trépas, je te déclare en mourant que sur ta tête plane le châtiment réservé à ton crime. »®®) La vengeance de Gérés ne se fait point attendre. Elle charge une divinité champêtre d’aller trouver la Famine. « Aux confins, lui dit-elle, de la Scythie, couronnée de frimas, il existe une contrée morte, stérile, sans arbres et sans fruits, séjour du Froid léthargique, de la Pâleur et de l’Epouvante. G’est là que réside l’affreuse Famine..

(22) 16. Ordonne lui d’aller se cacher dans le cœur criminel de l’impie. Loin de céder à l’abondance, qu’elle soutienne la lutte jusqu^à triompher de moi-même. Pour que tu ne sois pas effrayée de la longueur du voyage, prends mon char et dirige mes dragons du haut des airs. » L’Oréade accomplit cette mission. Elle découvre la F'amine dans un champ pierreux, arrachant quelques herbes avec ses ongles et ses dents. Obéissant à Gérés, la Famine se rend de nuit auprès d’Erisichthon et, tandis qu il dort, allume dans ses. Fig. 16. P riape et Lotos. G ravure illu stra n t les T rasform ationi de Dolce.. entrailles un faim que rien ne peut apaiser. L impie meurt, après avoir vendu, pour tâcher de se nourrir, tous ses biens, y compris sa fille. Le rapport entre le texte d’Ovide et le sujet choisi par le peintre céramiste saute aux yeux. De part et d’autre un arbre, paré de bandelettes, qu’un homme à coup de hache s’efforce d’abattre. Au pied de l’arbre git le cadavre décapité de l’esclave rebelle. Les assistants désapprouvent le sacrilège, mais rien n’arrête Erisichthon, ni les paroles de la nymphe qui habite le chêne, ni son sang qu’il fait couler. Suit la vengeance divine. Dans le haut de la majolique, l’Oréade, à qui Gérés a prêté son char, tiré par deux dragons, va trouver la Famine. G’est dans un désert pierreux une horrible créature. « Pendere putares pectus » dit-Ovide: sa poitrine semble pendre. Le peintre n’a pas négligé ce détail, non plus que le sommeil où Erisichthon (sur la gauche de la composition) se trouve plongé, quand arrive la fatale visiteuse..

(23) 17 L’identification de ces diverses scènes fait connaître le sens qu’il convient d’attribuer à un plat de la collection Basilewski. 11 figure dans le catalogue avec la mention « sujet inconnu » et la description suivante: « A gauche deux hommes maintiennent le tronc d’un. Fig. 17. La m étam orphose de G yparisse. Ane. collection Zschille.. arbre qui laisse deviner un corps de femme dont la tête paraît seule entre deux branches qui remplacent les bras. Un troisième, armé d’une hache, coupe à sa base l’arbre, dont il tombe des gouttes de sang. A droite, une femme nue, à grandes mamelles pendantes, crache au visage d’un homme assis et endormi, appuyé à des rochers au-dessus desquels une autre femme à mamelles également pendantes marche à quatre pattes. Des édifices au fond. Dans les airs une déesse sur un char traîné par deux dragons. On a tôt.

(24) 18. fait de reconnaître Erisichthon abattant le chêne de Gérés, la Famine, à quatre pattes, arrachant sa nourriture à un sol ingrat et, s’approchant d’elle, la déesse champêtre sur son char aux deux dragons, enfin la Famine insufflant son mal à Erisichthon endormi. L’inscription au revers aurait dû d’ailleurs éclairer les auteurs du catalogue. Elle se lit; « Fabula d’Ouidio / Primo atto d Re / Ceres qndo fiece talgiar / la quercia dove era / la nympha essendo / aüera im otendo se in / arj coversi in fame. / El Eté î / Deruta pti / 1545. ». Fig. 18. La m étam orphose de Cyparisse. Gravure illu s tra n t les Métamorphoses d ’Ovide, 1498.. La même histoire, mais traitée de façon moins complète, figure sur une assiette du Victoria and Albert Museum.'*’) LIVRE IX En 1938, le Musée de la Céramique à h^aenza célébrait son 30“^ anniversaire. A cette occasion son directeur, Gaetano Rallardini rappelait dans Faenza^'^) quelques-unes des acquisitions dont le musée s’était enrichi, au cours de cette 30'" année d’existence. 11 signalait*®) « une grande assiette d’Urbin, sans épigraphe au revers ». Et il ajoutait: « L’histoire compliquée qui s’y voit est traitée sur un mode grandiose ... A droite est le terme de la course désespérée de Daphné, poursuivie par le dieu; à gauche, six nobles figures en diverses attitudes assistent à la scène, dont Apollon semble les prendre à témoin » (fig. 15). Cette explication ne tient pas compte du fait que la métamorphose de Daphné n’a pas d’autre témoin.

(25) li) qu’Apollon et le fleuve Pénée, père de la victime. Diane peut, très exceptionnellement, s’y trouvée mêlée'*“*) et, non moins rarement, d’autres dieux-fleuves^'^). Mais de la galerie bigarée que nous pré­ sente l’assiette de Faenza, et où se voit notamment un âne, il n’est question ni dans les textes ni dans les œuvres d’art. Il convient donc de chercher ailleurs une explication à la scène. Ovide, au livre IX des Métamorphoses, écrit (vers 346—348): « Enfin, par une révélation tardive, les bergers de la contrée nous apprirent. Fig. 19. La m étam orphose de Cyparisse. Gravure illu stra n t les T rasform ationi de Dolce.. que la nymphe Lotis, pour échapper aux infâmes désirs de Priape, fut changée en cet arbre qui a gardé son nom » (c’est à dire le lotos). Le poète juge bon de ne pas insister. Mais qui en veut, trouve plus de détails dans Giovanni Bonsignori. Il écrivit,entre 1370et 1377***), ce que l’on considère très improprement comme une traduction italienne des Métamorphoses. Quand le soi-disant traducteur suit son modèle, il n’en donne qu’un sec résumé, mais il l’abandonne souvent, pour ajouter des épisodes dont on ne trouve pas trace dans Ovide. C’est ainsi qu’à propos des trois vers ci-dessus il conte l’aventure de Lotis ou Lotos. Un jour que cette nymphe, avec des compagnes et d’autres fem­ mes, avait quitté la ville qu’elle habitait, en vue d’offrir un sacrifice à Bacchus, un certain Priape, interdit de séjour dans la cité à la demande des dames dont sa seule vue offusquait les regards, se place sur le chemin de Lotos et l’aborde doucement, mais la nymphe.

(26) 20. l’avait en mépris. Il attend donc que la nuit soit tombée, que les femmes soint endormies, pour s’approcher de Lotos et déjà la dé­ voilait, quand se fait entendre un braiment sonore. Silène, survenu dans l’intervalle, avait attaché son âne à un arbre voisin. Les fem­ mes se réveillent. Lotos s’enfuit, poursuivie par Priape, au combre du désir. Par un effet de la miséricorde divine, dit l’auteur, elle fut alors convertie en cet arbre qui s’appelle lotos'*^). Bonsignori n’a pas inventé celte histoire. Il l’a tirée, avec quelques. Fig. 20. T hétis et Pelée. Jad is au Schlossm useum à Berlin.. Fig. 21. T hétis et Pélée. Ane. eollection D am iron.. modifications d’un autre ouvrage d’Ovide, les Fastes, où elle occupe les vers 415—440 du premier livre. Il connaissait également le commentaire que donne Servius du vers 84, livre II des Géorgiques (« deorum miseratione »). L’ouvrage de Bonsignori fut imprimé à Venise en 1497. La gra­ vure qui illustre la tentative amoureuse de Priape (fol. 78'') justifie amplement les préventions que les dames de la ville nourrissaient à son égard. Une interprétation de l’épisode, d’un goût plus délicat, se trouve dans la traduction italienne en vers des Métamorphoses, que Dolce, en 1553, a donnée sous le titre' de Transformationi (fig. 16). La grande assiette dont Ballardini fait mention dans Faenza (fig. 15) se place dans l’intervalle. Les personnages sont disposés de même dans les deux gravures et sur l’assiette : à gauche le groupe des femmes, dont Priape s’approche, en vue de surprendre Lotos; près de l’arbre Silène et son âne; vers la droite, la poursuite de la nymphe par Priape et sa transformation en lotos..

(27) 21. Une assiette, faite à Urbin en 1549 et exposée au Louvre, figure le même sujet. On y voit toujours à gauche Silène et son âne, tou­ jours à droite Priape poursuivant Lotos^*). Au revers l’inscription : « Priapo et Lothos ». LIVRE X Nicola Pellipario, qui, s’étant établi à Urbin vers 1528, prit le le nom de Nicola da Urbino, passe pour le plus remarquable des peintres de majoliques. Parmi ses œuvres figure une assiette qui a fait partie de la collection Zschille (fig. 17). Pour ce qui est du sujet, le catalogue, dû à Otto von Falke, se contente, sans plus, de renvoyer aux Métamorphoses d’Ovide^“). 11 n’est donc pas inutile de préciser qu’il s’agit de la métamorphose de Cyparisse, laquelle trouve place au livre X, vers 106 et suivants. Ovide raconte que Cyparisse, jeune homme aimé d’Apollon, s’était pris d’attachement pour un cerf; «Tu le menais dans les frais Fig. 22. T hétis et Pélée. Musée des Arts In d u striels, Copenhague. pâturages et le désaltérais aux sources limpides. Tantôt tu par­ ais ses bois de guirlandes de fleurs ; tantôt, assis sur son dos, tu prenais plaisir à diriger avec un frein vermeil sa course vaga­ bonde. » (vers 121—125). Ceci n’empêche qu’un jour d’été, tandis que le cerf se reposait à l’ombre, Cyparisse, ne l’ayant pas reconnu, lui lance un javelot et le tue. Devant le cadavre de son animal préféré sa douleur ne connaît pas de bornes. Apollon s’efforce de le consoler, mais en vain. Cyparisse veut pleurer éternellement. Les dieux le changent en cyprès et Apollon, témoin de cette méta­ morphose, se résigne à ce que cet arbre, qui fut son ami, devienne pour toujours un symbole de deuil. A première vue le rapprochement du texte et de l’image soulève des difficultés, mais le lien entre eux se trouve dans une gravure sur bois de l’édition italienne des Métamorphoses parue à Venise en 1497 (fol. 85' ). Nicola Pellipario s’est inspiré de cette gravure (fig. 18) sans beaucoup s’inquiéter du texte qu’elle illustrait. En.

(28) 22. parfaite accordance avec le poème d’Ovide, le bois représente trois épisodes de la légende; Cyparisse lançant le javelot contre le cerf couché à l’ombre ; Apollon raisonnant Cyparisse auprès du cadavre du cerf; le dieu assistant, désolé, à la métamorphose de son ami en cyprès. L’assiette, comme la gravure, montre le cerf, vivant à l’arrière-. Fig. 23. Calatée et Scylla. V ictoria and Albert Museum, Londres.. plan et mort à l’avant plan, mais avec les acteurs du drame Nicola Pellipario a pris de singulières libertés. Cyparisse devient sous son pinceau un homme barbu, blanc à gauche, noir à droite et telle est l’indifférence du peintre à l’égard de son sujet qu’il change Apol­ lon, pleurant son ami, en une femme, ne lui laissant que son arc, pour qu’on le reconnaisse. Il n’est peut-être pas inutile, pour con­ vaincre le lecteur qu’il se trouve bien en présence de la métamor­ phose de Cyparisse et que chaque personnage de la majolique à été exactement identifié, de reproduire la gravure (fig. 19) qui dans les Transformationi de Dolce (1553) orne la scène. On y voit, comme sur la majolique, â gauche, Apollon et Cyparisse en conversation, à droite, le dieu et son ami converti en cyprès. Quant au change­ ment de sexe d’un personnage, en passant du texte à la majolique..

(29) 23 le cas n’est hélas que trop fréquent. Dans un plat sorti, en 1535, de l’atelier de Guido Durantino à Urbin^“), qui reconnaîtrait Esculape en l’une des deux femmes qui se penchent sur Hippolyte mourant, si nous n’avions, en plus du texte d’Ovide [Mét. liv. XV, vers 533), l’édition des Métamorphoses de 1497, où les trois personnages sont exactement représentés (bois du fol. 16'')? Protée, qu’invoque Pélée,. Fig. 24. Galatée, Scylla, Polyplièm e. Ane. collection Pringslieim .. serait une femme, si l’on s’en rapportait au plat d’Isabelle d’Este que nous reproduisons ci-après (fig. 21, côté droit, scène supérieure). LIVRE XI Le Corpus delta inaiotica italiana enregistre en son volume II, sous le No 164, une assiette qui appartient au Schlossmuseum de Berlin. Le sujet y est indiqué comme « L’eroe contro il drago », le héros contre le dragon (fig. 20). On y voit de droite à gauche un homme découvrant avec surprise une femme nue ; deux hommes, dont l’un est agenouillé, tandis que l’autre combat un animal fan­ tastique; vers le haut un personnage nu qui considère un autel où brûle une flamme et devant lequel un autre personnage est à genoux. Ce héros luttant contre le dragon n’est autre que Pélée tâchant de s’emparer de Thélis, laquelle, pour lui échapper, revêt diverses.

(30) 24 formes. Le sujet se retrouve sous le pinceau de plusieurs peintres de majoliques et notamment chez Nicola Pellipario. Un plat de sa main (fig. 21), destiné à Isabelle d’Este"’’) reproduit de gauche à droite les quatre scènes décrites ci-dessus et qui re­ présentent : Pélée découvrant Thétis endormie ; celle-ci se changeant en oiseau d’abord puis en dragon, pour lui échapper; Pélée in­ voquant Protée, qui lui promet la victoire, s’il peut surprendre Thétis dans son sommeil et la charger de liens. La lutte de Thétis et Pélée occupe dans les Métamorphoses les vers 237 —365 du livre XL On peut être assuré toutefois que dans les deux majoliques que nous avons reproduites (fig. 20 et 21) le peintre ne s’est pas inspiré du texte latin mais de la version italienne parue en 1497. Dans Ovide, Thétis se change successive­ ment en oiseau, en arbre, en tigresse; dans l’adaptation italienne en oiseau, en arbre, en serpent et ce serpent, dans l’illustration du texte italien (fol. 94''), revêt exactement la forme du dragon des deux majoliques (fig. 20 et 21). Sur une assiette du service dit « Correr »•’^) Nicola Pellipario a représenté de même Thétis se métamorphosant en dragon pour effrayer Pélée, ce qui tend à prouver que cet artiste ne cherchait son inspiration que dans des ouvrages en langue vulgaire. Par contre les épisodes de la lutte tels qu’ils figurent sur une assiette que conserve le Musée des Arts Industriels à Copenhague (fig. 22) ne comprend aucun élément étranger aux vers d’Ovide. Ajoutons que sur une assiette sortie des ateliers d’Urbin dans la première moitié du XVP siècle et conservée au Palais des Arts à Lyon l’hi­ stoire de Pélée et Thétis s’emmêle curieusement à celle d’Apollon et Daphné. LIVRE XIII Une assiette peinte par Francesco Xanto Avelli da Rovigo et que conserve le Victoria and Albert Museum sous le numéro 635 (fig. 23) est décrite par le catalogue en ces termes ; « Scylla and Galatea. To the right beside a building sits Galatea holding a staff; in front of her are five nymphs bathing in a pool with Cupid flying above them and brandishing an arrow ... On the back, concentric yellow circles and, in bluish-black, the inscription ; « Exorta Galatea silta ad amare fabula » (Galatea exhorts Scylla to love) ». Seul Ovide associe Scylla et Galatée. Au livre XIII des Métamorphoses il est.

(31) 25 amené, contant le voyage d’Enée, à parler de Scylla, jadis aimée de Glaucus, mais insensible à son amour et, sur la prière de l’amou­ reux dépité, changée en rocher hurlant par l’art magique de Circé. Bien avant cette métamorphose, un jour que Scylla tressait les cheveux de Galatée, cette nymphe lui dit en soupirant: « Du moins, Scylla, tu es recherchée par des êtres humains ». Et elle lui conte alors l’amour que le cyclope Polyphème nourrissait pour elle. Xanto connaissait ce passage. Une assiette peinte par lui en 1532. Fig. 25. Scylla et Glaucus. Collection W allace, Londres.. Fig. 26. Vision d ’une fem m e à Himère. V ictoria and A lbert Museum, Londres.. ne laisse aucun doute à ce sujet’’^). On y lit au dos: « A’ Scylla parla Galathea d’amore • Nel • Xlll • Lib : d Ouidio • M • » (Galatée parle à Scylla d’amour. Dans le Xlll‘‘ livre des Métamorphoses d’Ovide). La scène (fig. 24) répresente Scylla dans une grotte. Ga­ latée, portée sur les flots par une conque, lui parle, tandis que Polyphème, s’aidant de la Hutte de Pan, chante les vers fameux: « Galatée, tu es plus blanche que le troène, plus fleurie que les prés, plus élancée que l’aune, plus resplendissante que le cristal, plus folâtre que le chevreau, plus lisse que le coquillage sans cesse poli par les flots » etc.'"’^). Quand, trois ans plus tard, Xanto reprit le sujet, il omit Polyphème, montra Scylla majestueusement assise et, dans un chœur de nymphes, émergeant d’un bassin, Galatée, qui l’exorte à se montrer moins cruelle. C’est l’assiette du Victoria and Albert Museum décrite ci-dessus (fig. 23). Ce qui n’empêche le savant auteur du catalogue de confondre Galatée et Scylla, de re-.

(32) 26. connaître la première dans le personnage assis et de placer l’autre parmi les nymphes'^’'). La suite de l’aventure Scylla-Glaucus est contée de la sorte par Ovide'^®). Le chœur des nymphes, que conduit Galatée se disperse et Scylla, demeurée seule, tantôt erre, misérable, au bord de la mer, tantôt, gagnant une grotte, baigne ses membres fatigués dans une. Fig. 27. P rise de Babylone. Ane. collection Spitzer.. eau captive. Glaucus cependant a été métamorphosé en une sorte de monstre marin. Quand Scylla l’aperçoit, elle contemple avec étonnement sa couleur, sa chevelure flottant sur ses épaules et sur son dos et le reste de son corps terminé en queue de poisson. Glaucus lui explique qu’un jour qu’il avait vidé sur une prairie ses filets pleins du fruit de sa pêche, les poissons, l’abandonnant, se mirent à regagner la mer. Il cueillit alors quelques brins de l’herbe magique et la goûta. Aussitôt un instinct invincible le pousse vers les flots. Il plonge et sa métamorphose s’accomplit. Xanto a interprété ce texte d’Ovide sur une assiette que possède la Wallace Collection à Londres®’). On y voit (fig. 25) Scylla assise sur une falaise aux portes d’une ville qui domine la mer; Scylla entrant dans une fontaine, qui a l’aspect d’une baignoire, inter-.

(33) 27 prétation littérale du vers d’Ovide : « inclusa sua membra réfrigérât unda » (XIII, 903); Glaucus tirant à lui ses filets chargés de pois­ sons et, sur la gauche, entrant dans la mer, sa chevelure déjà muée en une sorte de nageoire dorsale. Au revers de l’assiette se lit une inscription ainsi conçue; « 1535 Scilla in reo tôle lâgue e Glauco in pesce F. X. R. » Scylla languit dans une méchante fontaine et. Fig. 28. Annibal fait b rû le r la fem m e et les enfants de Dasius. Musée des A rts In d u striels, Copenhague.. Glaucus sous la forme d’un poisson Francesco Xanto da Rovigo“" Toutefois ni le catalogue de la Wallace Collection, ni le Corpus della maiolica italiana, ne font la moindre allusion au texte d’Ovide, qui seul explique cette inscription. III. SUJETS HISTORIQUES L’histoire, ou ce que l’on tenait pour l’histoire, a fourni à la majolique des sujets dont un grand nombre a été reconnu et sort en con­ séquence du cadre de cette étude. Il en reste suffisamment d’autres. En 1896, Otto von Falke attirait l’attention sur une majolique de Xanto, conservée au Schlossmuseum à Rerlin et portant l’in­ scription: « l’alta vision dTmera in Siragusa »^’'). Il remarquait en même temps que Xanto avait reproduit plusieurs fois ce sujet. Et.

(34) 28 en effet, en 1897, Forlnum en signalait un autre exemplaire à l’Ashinolean Museum d’Oxford®“). Il le décrivait en ces termes: « Jupiter hurling a thunderbolt at Dionysius of Syracuse, painted on a yellow ground. The widow of Dionysius and two females are on his right; Cupid, on the left of Jupiter, surrounded by clouds. » Enfin un exemplaire se trouvant au Victoria and Albert Museum, figure sous le No 638 dans le récent catalogue de Bernard Rackham, avec la description suivante : « The downfall of Dionysius the Ty-. Fig. 29. Le sac de Rome. Musée de la Céram ique, Faenza.. Fig. 30. Le sac de Rome. Collection C. Bohnewand.. rant of Syracuse. The King is seen falling on his back belore a throne on which, beneath an arch of clouds, sits Jupiter with eagle and thunderbolt; to the left are his widow, in black veil, and two angels, and to the right another angel pointing at him and uttering the words : Hie Hie Dionysius Sicilie Tirannus. On the back, in black, the inscription: 1540. L ’alta iiisio d’lmera 1 Sirogiisa, X. » (fig. 26) Et l’auteur ajoute: « The meaning of the inscription has not been explained »®'). II faut chercher l’explication de cette scène dans les Actions et paroles mémorables de Valère Maxime. Au livre premier, chap. VII, 2*’ partie, parag. 6 de cet ouvrages on lit: « Denys de Syracuse n’était encore qu’un simple particulier, lorsque à Himère une temme de bonne naissance s’imagina pendant son sommeil qu’elle mon­ tait au ciel et que là, parcourant les demeures de tous les dieux, elle voyait un homme très vigoureux, aux cheveux de couleur.

(35) 29. fauve, au visage marqué de taches rousses, chargé de chaînes de fer et placé sous le trône de Jupiter et à ses pieds. Elle interrogea le jeune homme qui avait été son guide dans cette visite du ciel. C’était, apprit-elle, pour la Sicile et l’Italie une affreuse fatalité, qui, une fois déchaînée, causerait la ruine d’un grand nombre de villes. Ce songe, dès le lendemain, fut répandu par ses propos. Par la suite la fortune, ennemie de la liberté de Syracuse et acharnée à la perte des citoyens vertueux, délivra Denys de sa prison céleste. Fig. 31. R eprésentation sym bolique du siège de Fiorence en 1529-30. Mnsée de l ’E rm itage à L éningrad(?).. Fig. 32. Auguste et ia sibjdie. Musée de la Céram ique, Faenza.. et le lança comme une sorte de foudre au milieu de la paix et de la tranquillité publique. A son entrée dans Himère, au milieu de la foule accourue pour lui rendre hommage et pour le voir, cette femme, en l’apercevant, s’écria: « Voici celui que j ’avais vu en songe. » Ce mot, dès que le tyran en eut connaissance, lui servit de prétexte pour la faire périr. »®^). L’assiette du Victoria and Albert Muséum (fig. 26) montre sur la gaucbe la femme qui se voit en songe devant le trône de Jupiter. Au pied du trône, auquel une chaîne le retient, git, déjà couronné, « l’homme vigoureux » qui sera le tyran de Syracuse. L’ange qu’on aperçoit à droite l’annonce par ces paroles: « Celui-ci est Denys, tyran de Sicile ». Il ne s’agit donc pas de la fin de Denys, mais bien d’un songe présageant sa carrière. Dans l’inscription qu’il a reproduite au dos des trois majoliques ayant le même sujet, Xanto, qui était poète bien plus qu’historien..

(36) 30 a commis deux erreurs: il a pris la ville d’Himère en Sicile pour une femme et a placé l’évènement à Syracuse. D’après Valère Maxime, une femme, dont il ne dit pas le nom, est gratifiée de la vision à Himère et reconnaît en Denys le personnage qu’elle a vu en songe, lorsque le tyran fait par la suite son entrée dans la ville. Les faits se passent donc à Himère et non « in Siragusa ». Quant au reste, disons à la décharge de Xanto qu’il n’est pas le premier à avoir pris Himère pour un nom de femme. Vincent de Beauvais, qui emprunte presque mot à mot le texte de Valère Maxime®'*), con­ vertit le datif locatif « Himerae » en un nominatif et ajoute « quaedam mulier »®‘). Faut-it en conclure que Xanto avait pour guide Vincent de Beauvais? Ce serait osé. 11 peut arriver à tout le monde de prendre le Pirée pour un homme. H*. Hî. *. L’indifférence de Xanto à l’égard de l’exactitude historique rend son œuvre souvent obscure. On trouve, au revers d’un grand plat qu’il peignit en 1536 (fig. 27), l’inscription suivante: « Daiio de Persia Re menando vampo Fa che Gobrio si bien finge che annulla Di Babiliona l’orgogtioso cainpo »•“).. ce qui signifie : Darius, roi des Perses, gonflé d’orgueil, amène Gobryas à user d’un si bon stratagème qu’il rend vaine la résistance de l’altière Babylone. H ne peut s’agir que de prise de Babylone en 539 avant notre ère, où Gobryas joua un rôle que Xénophon décrit dans la Cyropédie'^). H contribua tout d’abord au détournement de l’Euphrate et, lorscjue les assiégeants pénétrèrent dans la ville par le lit désséché du fleuve, sous le couvert de l’obscurité et tandis que les habitants s’abandonnaient à l’orgie, lui et ses hommes répondi­ rent à ceux qui les interpelaient comme s’ils étaient des compagnons de leurs plaisirs. C’est ainsi qu’il parvint au palais royal®’). H n’en demeure pas moins que Babylone fut conquise par Cyrus et non par Darius. L’erreur qui figure au revers du plat se retrouve à l’endroit, où sur la selle d’un personnage on lit: « Darius P (ersarum) Rex ». Le Musée des Arts Industriels à Copenhague possède une assiette de majolique aux armes de Frédéric Sforza, duc de Milan, mort en.

(37) 31 1535 (fig. 28). Au revers un lit : « Anibale fa abrusare la inoglie çon li figliuli », Annibal fait brûler la femme avec les enfants®*). Cette inscription n’indiquant aucune source, on peut se demander à quel épisode de la 2" guerre punique le peintre avait entendu se référer. Dasius Altinius, qui se prétendait de la race de Diomède, était l’homme le plus riche et le plus considéré de la ville d’Arpi en Apulie. Après la bataille de Cannes, il la livra à Annibal, mais, trois ans plus tard, le sort des armes ayant changé, il prit la fuite et vint. Fig. 33. A braham et M elchisédech. Musée du Louvre.. olfrir aux Romains de remettre Arpi en leur pouvoir. Ceux-ci ne lui firent qu’une demi-confiance et le gardèrent à vue. Quant à Annibal, aux dires de Tite-Live, il manda dans son camp la femme et les enfants de Dasius, s’enquit des motifs qui avaient guidé le fugitif, des quantités d’or et d’argent qu’il laissait. Puis, jugeant qu’il en savait assez, il fit brûler vifs sa femme et ses enfants®®). Deux assiettes de majolique, aux armes de la famille florentine des Strozzi, évoquent toute une page d’histoire. L’une d’elles (fig. 29) est décrite en ces termes par Ballardini dans la revue Faenza™) : 4 Un sujet symbolique, qu’il n’est guère facile d’identifier. A droite un guerrier, « à la romaine », sort d’une grotte, se ruant vers le centre, où git une femme, tandis que, sur un tronc d’arbre qui lui sert de piédestal dans un hémicycle de marbre, un angelot tient de la main droite une bourse pleine de besants d’or, de la gauche une sphère, placée entre ses ailes et coupée en croix par deux grands.

(38) 32. cercles ». Un sujet semblable figure sur la seconde assiette (fig. 30), où l’on retrouve l’angelot portant la sphère coupée de la croix, la femme gisante et le guerrier, dont la tête s’est muée en un tête d’aigle noir. Qu’il faille y voir une allusion au sac de Rome, c’est ce que prouvent les inscriptions qu’on lit au revers des deux pièces : sur la première « Cleme(n)te i(n) castell chiuso & Roma la(n)gue », Clément en­ fermé dans le château et Rome qui languit; sur la seconde « Dal fortúnalo Carlo Roma afflitta », par Charles, que la fortune favorise, Rome soutire’*). Dans les premiers jours de mai 1527, le connétable de Rourbon, au service de Charles-Quint, vint avec des troupes espagnoles et allemandes mettre le siège devant Rome. Il fut tué sous les murailles et une soldatesque sans chef et sans frein, pénétrant dans la ville, s’y livra aux pires excès; massacres, viols, pro­ fanation des sanctuaires, dérision des choses saintes et la torture appliquée à ceux dont on pouvait penser qu’ils ca­ chaient quelque argent ou avaient des amis prêts à payer leur rançon. De ces journées terribles la mémoire des con­ temporains demeura vivement frappée'-). Fig. 34. Rencontre d ’A braham et de M elchisédech p ar Zeitblom . Les fugitifs, parmi lesquels se trouvaient Bayerisches N ationalm useum des artistes comme le Rosso et Périno à Munich. del Vaga, en répandirent l’horreur par toute l’Italie et jusqu’au delà des monts. Réfugié dans le château Saint-Ange, le pape s’y défendit une trentaine de jours. Il comptait sur le duc d’Urbin, mais celui-ci trouvait mille excuses pour ne pas engager ses troupes et, s’étant approché de Rome, s en éloignait. Alors Clément VII se tourna vers les impériaux et acheta pour le prix de quatre cent mille ducats une liberté qu’en fait il n’obtint jamais. Le 9 décembre, il s’échappa du château Saint-Ange, déguisé en marchand, et, grâce à des complicités, put gagner Orviéto. Le souvenir de cette lutte sacrilège, où les soldats d’un prince chrétien.

(39) 33. tenaient assiégié le souverain pontife, n'empêcha pas que, trois ans plus tard, Charles-Quint fût couronné à Bologne des mains mêmes de Clément VII. Pour en revenir aux deux majoliques, nous voyons de part el d’autre une femme gisante : Rome mise à sac ; un guerrier menaçant : Charles-Quint ou ses milices, l’aigle noir de l'empire germanique ne laissant aucun doute à ce sujet ; un angelot : le pape réfugié dans le château Saint-Ange. II porte sur ses épaules une sphère marquée d’une croix; le monde chrétien. Enfin l’on peut voir dans les besants qu’il tient à la main le prix de sa rançon. Dans le champ clos qu’était devenue la Péninsule, Florence devait résister à l’empe­ reur jusqu’à ses dernières forces. On comprend dès lors qu’en bons Florentins les Strozzi aient pris plaisir à rappeler sur leur vaisselle cette tache qu’était au blason de Charles-Quint le sac de Rome. D’autre part le seul fait que Clé­ Fig. 35. A braham et Melchiscdecli. iMusée de Dijon. ment VII y figure et dans un rôle qui n’a rien d’odieux tend à faire croire que ces assiettes, évidement postérieures à 1527, sont cepend­ ant antérieures à 1530. A cette date le pape et l’empereur, en parfait accord entreprenaient le siège de Florence et cette trahison du Flo­ rentin qu’était Clément Vil le voua à la haine de ses concitoyens, comme nous allons voir. La critique moderne reconnaîtrait volontiers dans ces deux assiettes la main de Xanto’^). Si l’on admet cependant qu’elles reflètent un état d’esprit qui ne s’explique à Florence qu’avant 1530, l’hypothèse devient difficile à soutenir, car la période de production de Xanto ne commence qu’en 1530. Le premier soin de Clément VII en arrivant au pontificat fut de pourvoir ses neveux, Alexandre et Hippolyte de Medicis, du gouver­ nement de Florence. Quand les Florentins apprirent que le pape était assiégé dans le château Saint-Ange, ils chassèrent ces maîtres qu’ils ne s’étaient pas donnés’^). Rendu à la liberté, Clément VII.

(40) 34. comprit qu’il ne pourrait rétablir les Médicis à Florence qu’avec l’aide de l’empereur. 11 conclut donc avec Charles-Quint le traité de Barcelone, dont une clause prévoyait ce rétablissement. L’on vit alors les troupes de l’empereur, celles mêmes qui avaient saccagé Rome, marcher sur Florence, le pape, un Médicis, payant les frais de cette expédition™). Le 12 août 1530, après dix mois de siège et une défense héroïque, la ville, minée parla famine et la peste, trahie par le général qu’elle s’était choisi, « abandonnée des dieux et des hommes », comme dit Guichardin”), dut capituler et se soumettre au bon vouloir du pape. Les représailles furent terribles™). Ces évènements n’étaient pas oubliés quatre ans plus tard. Une assiette, faite à Urbin en 1534 (fig. 31), figure un guerrier, vêtu à la romaine, dégainant et se tournant vers une femme assise sur un trône. Elle s’appuie de la main droite sur un lis héraldique. Deux personnages se voilent la face. Aux pieds du guerrier les clefs de saint Pierre. Le Corpus délia maiolica ilaliana, qui reproduit cette pièce™), n’y voit qu’un sujet allégorique. Cependant l’inscription qu’on lit au revers : « DaL proprio figlio svo fiorenza offesa », Flo­ rence offensée par son propre fils*®), jointe à la date 1534, ne laisse aucun doute sur l’allusion historique qu’il faut y trouver: cette assiette rappelle l’entente entre le pape, fils de Florence, et l’empereur, pour s’emparer de la ville du lis. IV SU JETS RELIGIEUX Les sujets religieux sont nombreux dans la majolique, mais ont été généralement reco'nnus. Voici quelques exceptions. . Eln 1940, Faenza, organe du Musée de la Céramique en la ville du même nom, passant en revue les acquisitions récentes du musée, faisait connaître « une assiette dont le centre est occupé par une femme... qui indique du doigt à un roi, en train de s’agenouiller, l’apparition de la Vierge et de l’Enfant: sujet à la fois payen et chrétien »*'). Sans doute. Mais lequel? L’auteur s’appuyant sur l’avis d’un « chercheur expert en symbolique chrétienne », propose d’y voir une interprétation du verset du Dies irae: « Teste David cum Sibylla » (fig. 32). Si le personnage féminin représente en effet une sibylle, ce n’est point David mais Auguste qu’il faut voir dans le monarque auquel.

(41) 35. elle montre l’apparition. Traitant ce sujet, M. Mâle écrit; « ün ra­ contait que l’empereur Auguste, incertain de l’avenir, et voulant savoir qui obtiendrait après lui l’empire, fit venir à Rome la sibylle de Tibur. La prophétesse consentit à soulever pour lui le voile du temps : du haut du Capitole, elle lui montra, dans le ciel entr’ouvert, une Vierge tenant un enfant dans ses bras; en même temps, une. Fig. 36. L’épreuve de Moïse. Ane. collection Berney.. voix prononça ces paroles: « Haec est ara coeli ». L’empereur Au­ guste, ému de cette vision, fit graver ces mots mystérieux sur un autel dédié au futur maître du monde: c’est à cet endroit même que s’éleva plus tard l’église de l’Ara coeli. Dès la fin du XII® siècle, l’art italien représenta cette scène, que l’art du nord ne connut que beaucoup plus tard »*^). Le moyen âge a légué cette légende à la Renaissance. Tout a été dit sur son origine et son développement par J. Lutz et P. Perdrizet*^). Aux œuvres d’art qu’ils citent en exemple, que citent d’autre part M. Mâle et Kunstle*^), il faut ajouter entre autres: le tableau de Conrad Witz au Musée de Dijon*“), celui de Jan Mostaert au Musée de Rruxelles*®)..

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